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La dernière chronique sur le parc de Martissant a suscité de multiples réactions (1). Nombreux sont ceux qui n’auraient pas cru qu’une telle attraction écotouristique pouvait exister dans l’agglomération de Port-au-Prince, encore moins à Martissant. Même des gens qui longtemps habitaient Martissant, Fontamara ou Carrefour l’ignoraient. Certains d’entre eux demandent à visiter. D’autres réactions sont plutôt institutionnelles. Des organisations de la société civile voient dans le mode de gestion du parc de Martissant un modèle à suivre. C’est le cas d’AGRIBEL, une organisation œuvrant dans l’agriculture et l’environnement dans le Nord-Ouest, qui attire notre attention sur la dégradation de la mangrove de Haut-Fourneau, une localité située à deux kilomètres à l’ouest de Port-de-Paix.

La ville de Port-au-Paix est elle-même une préoccupation environnementale majeure. Une très mauvaise gestion des déchets et un système de drainage défaillant sont à la base des multiples inondations que connaît la ville ces dernières années. Les constructions anarchiques y sont la norme. Tout le bord de mer est construit. La mangrove a disparu il y a longtemps. Dans cette ville très exposée au risque de tsunami, la forêt côtière servirait à amortir les vagues. De plus, la mangrove est comme une pouponnière pour les poissons. La détruire, c’est contribuer à l’extinction de plusieurs espèces de poissons et de crustacées. C’est aussi un efficace puits de carbone.

L’une des rares mangroves restantes dans le Nord-Ouest est celle de Haut-Fourneau. Cette importante réserve de biodiversité couvre 350 hectares. Elle est située à l’exutoire du très dégradé bassin versant Cordier.  La mangrove est menacée d’ensablement à cause de la déforestation en amont. « Mangwòv la menm kòmanse pèdi nan sifas li a kòz degradasyon basen vèsan an. Anpil teren ap vann nan espas mangwòv la tou », déplore l’agronome Julien Déroy, un responsable d’AGRIBEL.  Il faut dire que cette mangrove est aussi utilisée comme décharge de la ville de Port-de-Paix. En effet, la mairie de Port-de-Paix utilise deux sites de décharge : 1) l’aéroport de Port-de-Paix ; et 2) La Saline, qui n’est autre que la partie asséchée de la mangrove de Haut-Fourneau. Si l’Etat s’invite à la danse de la dégradation environnementale, l’on peut se demander si nos dirigeants savent ce qui est bon pour le pays qu’ils disent diriger.

Haut-Fourneau est aussi traversé par la route de Jean-Rabel desservant plusieurs communes du département. La dégradation du bassin versant de Cordier menace directement cet axe routier.

L’intérêt d’AGRIBEL pour Haut-Fourneau est né d’un appel à projet, du PNUD en avril 2020 pour une réponse communautaire à la Covid-19. Pour la ville de Port-de-Paix, quatre localités, dont Haut-Fourneau, ont été retenues. Sur les gestes barrières, AGRIBEL sensibilisait les habitants de Haut-Fourneau quand elle s’est rendue compte que ces derniers éprouvaient un grand problème d’eau. Certains peuvent marcher une heure pour trouver de l’eau. « Comment demander aux gens de se laver les mains régulièrement alors qu’il n’y a pas d’eau ? », s’est questionné le porteur du projet, l’agronome Déroy. C’est ainsi qu’une extension du projet a été envisagée pour alimenter cette localité. Trente impluviums d’une capacité de 400 gallons chacun ont été installés pour trente familles. L’eau de pluie pouvait être traitée et partagée aux autres familles qui n’avaient pas directement le dispositif. Coût de l’opération : 4 millions de gourdes.

Face à ce problème d’eau et d’assainissement, les responsables en ont profité pour mener une enquête afin de diagnostiquer d’autres besoins. 83 ménages répartis sur 7 sous-localités ont été enquêtés. Les enquêteurs y ont découvert une grave situation sanitaire: 90% des habitants n’ont pas de latrines pour faire leurs besoins. En effet, 65,06% des enquêtés affirment faire leurs besoins dans les champs, 19,28% au bord de la mer, 3,61% creusent un petit trou et 1,2% chez des voisins. Cette situation se rencontre en plusieurs endroits du pays profond. C’est d’autant plus étonnant que cela se passe à l’entrée de la ville de Port-de-Paix, un chef-lieu de département.

Si l’on ne connaît pas l’importance d’une mine d’or, on peut lamentablement la souiller et la détruire pour après demander la charité. En Haïti, nous avons beaucoup d’espaces naturels dont la valeur écologique et économique est ignorée par la population et par la plupart des autorités. Un plaidoyer pour leur déclaration d’utilité publique et leur prise en charge par des organisations spécialisées pourrait être, comme pour le parc de Martissant, une stratégie gagnante.

Newdeskarl Saint Fleur

newdeskarl@gmail.com

https://www.geosciencehaiti.com/post/port-de-paix-la-mangrove-de-haut-fourneau-en-danger